Au-dessus des luttes de l’instant, en dehors des misères humaines, l’œuvre d’art, seule consolatrice, évoquait l’éternelle beauté et l’éternel désir humain. Elle est le témoignage visible du but harmonieux où l’homme cherche son refuge. C’est par elle qu’il connaît l’instant où, supérieur à lui-même, il a conscience de sa destinée. L’artiste peintre est pour lui l’initiateur à l’amour et à la vie.
C’est pour lui que sera cette œuvre. Elle le consolera de la souffrance et fera mépriser la triste béatitude du matérialiste satisfait. Elle nous mènera aux sources de la vie et nous inspirera le désir du recueillement et le besoin de s’interroger.
Cette œuvre convertie, en face de nous même avec la voix présente et inspiratrice du devoir pur nous fait une obligation de l’incognito. Si nous sommes entendus par quelques-uns et si nous arrêtons la pensée vagabonde qui entraîne l’homme en dehors de lui-même nous nous tiendrons pour récompensé.
Un peu plus, un peu moins de soleil ne change pas le cœur humain. La souffrance qui nous étreint au spectacle du malheur d’un être nous révèle sa parenté. Nous ne pourrions être touchés de pitié si nous n’étions pas en présence du même élément que le nôtre. Notre égoïsme de la conservation personnelle nous éviterait l’angoisse de la pitié si celle de l’espèce subitement ne prévalait sur elle. C’est l’humanité entière qui pleure en nous sur elle-même. L’artiste, le savant sont des êtres collectifs. La nature qui les a doués de la sensibilité admirative les a préparés au rôle d’initiateurs. Ils ne peuvent méconnaître sans faillite et se dérober à la responsabilité que toute force réelle porte en elle.
L’enfant, l’homme ne sont pas des esprits à remplir, mais des esprits à délivrer. – Je crois – car je crois que l’homme est un savant qui s’ignore. »